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L’ennui et l’indifférence

Chaque matin ressemble à l’autre. Chaque autre ressemble à l’autre. Chaque autre et chaque matin sont tellement pareils à tel point que le matin n’est qu’un tout autre matin ennuyant, mortel. Est-il devenu normal. Ce désordre, cette absence de sens.  Je ne demande plus des explications. Il suffit parfois de se contenter de garder le silence pour comprendre. Il suffit, pour que l’homme soit sage, un amour féminin. Une femme qui dessine, sur les murs blancs, des images et des paroles, même si elles peuvent être tristes ; qui redonne un sens à ces angles marginalisées, poussiéreuses, à ce bar ancien et sans couleurs. Un esprit qui complète, même si rien n’est prêt à être complété. Une femme qui n’est pas seulement femme dans le sens où elle est peut-être sensible ou jalouse. Mais une raison rationnellement sensible et interactive. Un autre qui ne ressemble pas aux matins des hivers obscurs, ni aux autres matins dont l’apport n’est pas moins mélancolique que les funérailles.

Chaque soir imite les autres soirées. Chaque soirée imite l’autre soirée, et ainsi de suite. Ennuyeuse est cette scène. Ennuyant est ce scénario ! Je n’arrive pas à comprendre ce processus. Les femmes au cœur de la cuisine, préparent des plats, certaines d’autres se maquillent, d’autres travaillent. Elles ne font pas grand-chose apparemment. Car les hommes font la même bêtise.  Je ne crois que ce processus que je n’ai pas compris, fait partie des revendications féministes : l’égalité ! L’égalité radicale ne conduira en fin de compte qu’à l’ennui.

Or, comment peut-on oser contredire la nature ? Ça me fait énormément honte ce geste minuscule auquel nous faisons recours pour plaire à nos fantaisies. Il faut tenir compte du fait que la nature n’introduit pas d’ambigüités quand elle fonctionne. Et l’ennui dont on peut souffrir n’est que notre propre produit ! La nature en est extérieure. Elle n’est pas responsable de la naissance de ce type de TOC.

Le ciel n’est pas toujours ténébreux. Il est également lumineux. Ce n’est qu’une question d’ordre et d’art. Le ciel, pour échapper à l’ennui auquel l’Homme n’a pas pu échapper, se métamorphose dans le sens de lutter, résister contre toute sorte d’ennui pouvant d’une façon ou d’une autre lui causer du désespoir. Ennemi de l’humanité ! 

La mer se révolte, et ce n’est que pour échapper  à l’ennui. Les nuages aussi, pleurent, se concourent joyeusement vers les horizons lointains.

Par ailleurs, l’homme continue à fréquenter les hôpitaux psychiatriques, les tribunaux, les tours et les Mausolées, en vue de vaincre l’ennui.  Les hôpitaux psychiatriques pour demander de l’aide, pour bénéficier de traitements et de séances de développement personnel : mensonges ! Les tours pour se suicider : ingratitude ! Les tribunaux pour porter plainte : innocence ! Les mausolées pour guérir : mythologie !

Il faut alors cesser de qualifier l’ennui d’invincible, puisqu’il est en fin de compte un produit de l’Homme. Il voit le jour à partir du moment où l’Homme se trouve faible, incapable de détruire les petits obstacles  auxquels il se heurte. Incapable, ce n’est pas aussi péjoratif qu’indifférent. Car un Homme incapable de répondre à une question existentielle est un Homme qui a, à plusieurs reprises, essayé de répondre, de faire des efforts qui soient considérables ou non en vu de sortir gagnant du combat lui opposant à l’ennui. Il est, de cette façon, digne de ce nom : incapable. En plus, peut-on considérer l’ensemble des actions visant à réaliser un objectif, de volonté, une ‘’volonté de but’’. Cette seule volonté est suffisante pour une mise à l’écart de la dimension négativiste de l’incapacité, en tant que donnée nécessaire et fondamentale conduisant à vaincre de l’ennui anthologique. Dans la mesure où l’indifférence relève d’une autre espèce d’incapacité. Une espèce qui n’est invincible que par les  forts. Aucune chance n’est accordée aux faibles.

L’Homme peut vaincre tout ce qui est produit par son espèce. Même la guerre. Ce monstre qui semble fort puissant, ce désastre, ce malheur, cette misère sanglante, cette peur excessive, ces innocents et… n’est qu’une idée produite par l’Homme. Et, rappelons-le, toute idée est intelligente. Ce n’est que pour cette raison que la production d’une idée qui soit mauvaise ou sage, mérite une reconnaissance. Tandis que l’immense et la digne reconnaissance devrait être avouée à celui qui, tout en comprenant les dimensions susceptibles d’une idée donnée, essaie de la remettre en question en vue d’examiner son utilité à moyen et à long terme. Je ne vise pas ici le côté pragmatique de l’idée, mais sa pertinence, sa valeur ajoutée et sa résistance contre les critiques, ou du moins sa capacité de réduire le tas des horions de critiques qu’elle peut recevoir. 

Mettre à l’écart l’exam des idées est ce que je peux appeler indifférence, dans la mesure où être indifférent reflète l’impuissance de l’Homme. Impuissance mais aussi lassitude, médiocrité. Celui qui veut échapper à la mort finit par mourir. Celui qui veut vivre seul finit par adhérer à toute une imagination. Celui qui croit être fort finit part perdre la faculté de parole : il devient taciturne, muet, silencieux… il n’est plus fort ! Celui qui prétend être éternel devient en fin, dans les bons cas, une construction certes esthétique mais peu symbolique, peu réelle : une église, une mosquée, une école, un mausolée peut porter son nom, mais ça demeure un nom abstrait qui n’existe pas la réalité. Celui qui croit être beau n’arrive pas à résister contre le Temps ! Le temps qui n’est qu’une petite force par rapport à la grande puissance divine pour qu’on soit bref !

Par : Karim El Hadady 

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